Chaque année 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde alors que nous ne portons que 30% des vêtements que nous possédons!
L’industrie de la mode émet au niveau mondial 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Son impact est plus important que les vols internationaux et le trafic maritime réunis.
Au-delà de cet impact, la filière textile est aussi responsable de 20% de la pollution des eaux du globe. 4% de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour produire nos vêtements. Ainsi l’industrie de la mode se place comme le 3ème secteur consommateur d’eau dans le monde.
Jusqu’à 20 traitements de pesticides peuvent être employés sur une même parcelle chaque année. 25% des pesticides utilisés dans le monde sont utilisés pour la culture du coton.
Mais la pollution n’est pas uniquement liée à la fabrication des vêtements, mais aussi à leur usage et leur destruction: 500 000 T de microparticules sont ainsi déversées dans les océans par le lavage de nos vêtements, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles plastiques. Plus de 3 millions de tonnes de vêtements finissent à la poubelle chaque année pour être incinérés ou mis en décharge
...et je ne parle pas non plus de l’impact social et sanitaire….
Bref, on l’aura compris, l’industrie de la mode est loin d’être parfaite encore à ce jour… Des progrès sont faits, des engagements sont pris. Qu’en est-il exactement ? Quels sont les solutions à notre disposition pour adopter un dressing écoreponsable ?
Pour répondre à ces questions, j’ai eu la chance d’interviewer Alice Lehoux et Natacha Ruiz, auteures du Guide de la Mode Ecoresponsable (disponibles dans toutes vos librairies de quartier 😉 )
Alice : j’ai toujours été attirée par le textile et avais plutôt une fibre marketing; c’est ce qui m’a amenée à étudier à l’ISTA, une école de commerce spécialisée dans le domaine de la mode. J’ai adoré y découvrir les gammes de produits textiles et comprendre les techniques de fabrication : tout cela m’a beaucoup enthousiasmée et passionnée ! Au sortir de ces études, je suis devenue chef de projet textile; un peu plus loin du terrain, j’ai pu toucher du doigt les dessous des approvisionnements et découvrir l’ampleur de leur complexité. Au bout de quelque temps, j’ai voulu me rapprocher de la production, je voulais découvrir ce qui se passe vraiment derrière tous les ordres de commandes que je pouvais passer chaque jour.
C’est avec cette énergie de vouloir changer profondément le système que j’ai ensuite travaillé à évaluer les marques dans leurs démarches RSE, et principalement sociétales
Je suis partie au Vietnam pour tenir un poste de responsable de production pendant 3 ans. Un expérience super enrichissante : d’abord une vraie fascination pour tout l’outil de production, mais aussi une claque face aux enjeux sociaux (salaires et conditions de travail) liés à cette industrie. J’ai compris que l’on aurait beau avoir de bon produits de qualité ou labellisés, un personnel qualifié et compétent qui dispose d’un bon savoir-faire...tant que la politique productiviste des donneurs d’ordre ne changera pas, il sera difficile de transformer durablement cette industrie. C’est avec cette énergie de vouloir changer profondément le système que j’ai ensuite travaillé à évaluer les marques dans leurs démarches RSE, et principalement sociétales, à former les acheteurs et à vérifier la conformité de chaque étape de production.
Natacha : la mode est un domaine qui m’a attiré dès le collège. J’ai découvert que le métier qui me plaisait le plus était celui de chef de produit et c’est ce qui m’a amenée également à suivre mes études à l’ISTA - où j’ai fait la rencontre d’Alice. A l’issue de mon cursus, je suis partie étudier aux Etats Unis pour me tourner vers la création de mode et avoir une vision à 360° de l'industrie de la mode. C’est là que j’ai travaillé avec un collectif de marques de mode écoresponsable et cela a été un vrai déclic ! Moi qui était très sensible à l’histoire et l’évolution de la mode dans le temps, j’ai pu apprécier l’idée de pouvoir produire en harmonie avec des valeurs, une éthique et une responsabilité qu’elle soit sociale ou environnementale.
J’avais la conviction qu’il était nécessaire de sensibiliser le grand public à toutes ces démarches pour faire découvrir les valeurs de la mode écoresponsable
A mon retour en France, j’ai intégré la Fédération française de prêt à porter féminin et j’ai découvert l’accompagnement aux entreprises (jeune création et export). Portée par une envie d’entreprendre j’ai créé ma première entreprise en 2013 pour promouvoir et mettre en avant des marques de mode et lifestyle écoresponsables par le biais d’événements et de concepts-stores éphémères. J’avais la conviction qu’il était nécessaire de sensibiliser le grand public à toutes ces démarches pour faire découvrir les valeurs de la mode écoresponsable. Depuis 2017, j’ai créé Poesia, un écosystème qui met à l’honneur la créativité engagée (pas seulement lié au domaine de la mode) pour poétiser le monde. J’accompagne notamment des entrepreneurs créatifs et engagés dans le développement de leur vision à 360°.
Natacha : c’est à son retour du Vietnam en 2016 qu’Alice et moi nous sommes retrouvées. Alice, de part son travail et sa sensibilité, avait souvent été sollicitée pour avoir des infos et conseils pour mieux acheter ses vêtements. Elle m’a proposé un document de 4 pages qui s’est transformé en 10, puis qui finalement par le soutien de notre maison d’édition, s’est finalisé par le Guide de la Mode Ecoresponsable, un ouvrage de 160 pages qui permet de mieux comprendre et de mieux consommer la mode. Avec Alice, nous partageons la vision que le respect de l’Homme et de la Planète devrait être une évidence et il nous tient à cœur avec notre livre de pouvoir aider tout un chacun à mieux choisir et surtout à choisir en conscience. De part notre complémentarité, ce guide apporte vraiment une vision globale de la mode écoresponsable et de l’industrie de la mode.
Natacha : pour moi, c’est que tous les acteurs de l’industrie de la mode s’engagent à limiter au maximum leur impact écologique et social en appliquant des principes d’écoconception qui partent des vrais besoins des consommateurs. La mode écoresponsable c’est aussi savoir comment on va pouvoir impacter positivement sa vie grâce à ses vêtements.
Alice : notre modèle industriel nous incite à produire toujours plus à des coûts toujours plus faibles. Or toute production a un impact. L’industrie de la mode qui veut devenir écoresponsable doit donc agir à chaque étape pour prendre conscience et tenter de réduire ces impacts. Les néo-industries de la mode ont la possibilité, dès le départ, de faire les meilleurs choix en termes de matière et de production pour limiter leur impact à la base. Les marques déjà existantes quant à elles doivent mesurer leur impact à toutes les étapes de la fabrication (matière, teinture, filature, confection,...) et mettre tout en œuvre pour les réduire. Et ce n’est pas chose facile tant la chaîne d’approvisionnement est complexe, voire tentaculaire avec de nombreux intermédiaires. Il est presque impossible aujourd’hui de remonter au champ exact où est produit la matière du vêtement qui a été commandée par la marque. Il s’agit d’une vraie investigation qui demande un réel engagement. Les marques écoresponsables sont celles qui mettent en œuvre l’énergie nécessaire pour réaliser ces actions et qui communiquent en toute transparence sur leurs choix de matière et mode de fabrication.
La mode écoresponsable c’est aussi savoir comment on va pouvoir impacter positivement sa vie grâce à ses vêtements.
Alice : Oui et Non. Dans l’absolu oui, si on diminue les intermédiaires et que l’on arrive à raccourcir les chaînes d'approvisionnement et de production. Mais la réalité est plus complexe tant nous avons perdu en Europe notre savoir-faire et notre outil industriel dans le domaine du textile.
Natacha : Sur ce point j’ai fait la découverte récemment de la “super fast fashion” qui donne l’exemple de marques qui revendiquent le made in UK à prix cassé qui cache derrière des conditions de travail et de revenus désastreux avec du personnel souvent issu de l’immigration qui ne dispose pas toujours du savoir-faire nécessaire…
Natacha : Je pense vraiment que le dressing écoresponsable est d’abord un dressing qui nous ressemble et qui correspond à nos vrais besoins. Pour cela il est très important de se connaître : connaître les matières, couleurs, formes de vêtements et accessoires, qui nous vont le mieux. Le but en choisissant des vêtements 100% alignés c'est d’avoir une garde-robe qui nous fait plaisir, qui nous met en valeur avec des vêtements que l’on aime porter et que l’on gardera le plus longtemps possible. Pour moi, il est plus écologique de porter des vêtements qui nous vont bien même si ceux-ci ne sont pas classés “écoresponsables”. Choisir des vêtements qui nous correspondent, c’est aussi une invitation à l’acceptation de soi, de qui nous sommes, de notre corps. C’est le fondement du mouvement “Body positive” qui considère que tous les corps ont la même valeur. C’est donc à la mode de s’adapter et non l’inverse.
Alice : L’industrie et les pratiques productivistes répondant aux lois du PIB ne vont pas changer du jour au lendemain, mais ce que l’on peut faire à notre échelle pour rendre son dressing plus écoresponsable, c’est de s’interroger lors de tout achat de vêtement : 1/ Sur la qualité de la matière utilisée 2/ Sur la provenance du vêtement 3/ Sur les engagements et valeurs de la marque (en consultant sa page page “A propos” par exemple). On pourra alors acheter en toute conscience un produit qui correspond à nos convictions. Cela passe encore une fois par une connaissance de soi, de comment je me vois et comment je vois le monde.
Natacha et Alice: Nous nous sommes mis d’accord sur une citation qui fait sens pour nous deux et qui résume notre propos. Il s’agit de celle de Gandhi : “Sois le changement que tu veux voir dans le monde”. Et ce changement, nous pourrions même aller plus loin en parlant de transformation, il commence encore une fois par une connaissance de soi. Si on est bien avec soi-même on peut alors rayonner nos valeurs en agissant de manière alignée.
Un petit mot pour finir ?
Alice : J’aime beaucoup le collectif “Laines Paysanes” qui permet de valoriser des laines françaises qui aujourd’hui ne trouvent pas de débouchés. Ils assurent l’intégralité de la chaîne de production depuis les élevages de brebis jusqu’à la confection. Traçabilité 100% garantie !
Natacha : J’ai très envie de vous parler de LA MÉTA®, il s’agit d'un outil de révélation de soi développé par Flora Douville qui passe par la connaissance de soi et permet de définir quels sont les vêtements adaptés à chaque personne. Ce que je pense profondément c’est que la tendance n’existe pas; chacun peut créer sa propre garde-robe capsule qui lui correspond. C’est un processus pas à pas que je m’emploie à appliquer à mon propre dressing petit à petit ...
Qu'est-ce que t'inspire cet article ?
Connaissais-tu la mode écoresponsable ?
Quelles sont tes astuces pour écologiser ton dressing ?
Qu'est-ce qui est le plus difficile pour toi ?
Le livre d’Alice et Natacha: "Guide de la Mode Ecoresponsable” aux Editions Mango.
Ce que pensent Alice et Natacha de l’application Clear Fashion :
Natacha : C’est une appli super intéressante qui donne une note sur l’impact des vêtements et des marques sur 4 critères : environnement, humain, santé et animaux. Cela permet d’être guidé en conscience sur les achats de vêtement.
--> Ecouter le Talk Show de Poesia : "Mode, créatrice d'envie - Comment devenir consom'acteur ?" Episode #4 :Comment s'informer au quotidien ?
Alice : C’est une bonne intention d’engager cette démarche de vérification à la place des marques, mais cela reste très difficile d’assurer la véracité des informations sur la durée. Cela dit, c’est une bonne application qui permet au moins de pouvoir s’orienter dans nos achats.
Voici quelques idées de livre et reportage/film complémentaires
Articles à lire ou à relire :